mercredi 26 mai 2010

Ordalie d'un branleur



« Y en a, il leur faudrait une bonne guerre ! »

Voilà le sujet du War of the Worlds de Spielberg et Cruise. Comme la plupart des produits élaborés par celui qui réduisit en lambeaux et à grands coups de mâchoires la veine adulte du cinéma US des années 70, ce film est une bande démo dont le but est de servir de vitrine aux avancées technologiques d'ILM et de créer des images inédites dans l'histoire du cinéma. En l'occurence, il s'agit, dans la première partie, de filmer un film de science-fiction et des scènes de catastrophe à la manière d'un reportage de guerre, avec une gamme chromatique désaturée et une caméra portée le plus en mouvement possible. En bref, transporter l'esthétique du Soldat Ryan et de Band of Brothers dans un genre qui n'est pas traité habituellement de la sorte. L'année suivante, Cuaron, avec Children of Men, fera la même chose et le résultat sera nettement plus adulte et spectaculaire.

Comme souvent avec SAS, le film hésite à assumer un choix, à s'y tenir de bout en bout, et War of the Worlds dérive en chemin vers une esthétique fantastique radicalement différente du faux réalisme du début et de la fin du film. Une sorte de recyclage esthétique de certaines scènes de AI ; un grand écart auquel même le célèbre philosophe belge ne se risquerait pas. Il faut reconnaître que le choix de la typo au générique et le texte dit en voix-off par Morgan Freeman (qui étaye le film) avertissent le spectateur aguerri et attentif que ce n'est toujours pas ce coup-ci que Spielberg aura le courage de faire autre chose qu'un spectacle familial et assimilable par le plus grand nombre.

Mais la première partie de War of the Worlds vaut à elle seule de perdre 2 heures de sa vie.

On nous présente un adulescent qui gagne la sienne en jouant avec talent au Tétris géant sur les docks d'une ville du New Jersey. Dès les premières minutes, ce grand enfant nous est dépeint comme un branleur doué qui n'a pas envie de faire plaisir à son chef, pilote comme un irresponsable sa Ford Mustang et voit débarquer avec très peu d'enthousiasme ses deux progénitures, elles-mêmes forcées par le juge aux affaires familiales de partager la tanière de celui qui préfère démonter un moteur de bagnole dans sa salle à manger, plutôt que de penser à remplir le frigo pour le week-end. Un irrécupérable, donc, que sa femme a préféré quitter pour continuer sa mission procréatrice avec un homme, un vrai, qui ne s'habille pas comme un gamin et roule en laguna US.

Le gars, bien sûr, c'est Tom Cruise, avant qu'il rencontre Dieu, à savoir Ron Hubbard, ses écrits et ses missionnaires. Je ne vous refais pas la biographie de l'auteur de Terre, champ de bataille et Mission Terre. Mais une fois que l'ado attardé – qui préfère jouer que baiser, procréer et éduquer ses enfants – est enfin frappé par la foudre (celle qui n'hésite pas à frapper deux fois au même endroit ; histoire de le faire passer pour un con devant sa fille) et que celle-ci réveille des démons enterrés depuis des lustres, l'homme, le protecteur et le héros qui sommeillent en lui vont enfin pouvoir émerger.

Attention, spoiler !!! (pour la Ford Mustang)

A l'issue de son épreuve initiatique, l'homme neuf ramène le fils (jadis) révolté à sa mère et là le spectateur ne sait pas... Débarrassé dignement de son ancienne vie, aura-t-il à cœur de mener une vie enfin responsable, voire une vie de missionnaire, où il aura tout le loisir de rencontrer de futurs dirigeants de républiques bananières (de petite taille comme lui) pour leur expliquer le bien-fondé de la parole hubbardienne ? Ou bien, plus sérieusement, préfèrera-t-il rester célibataire, garder une âme d'adolescent et choisir enfin un métier qui rapporte de la bonne grosse thune et permet de payer des pensions alimentaires mirobolantes sans avoir à se fader ses mioches un week-end sur deux ; avec le risque de tout perdre dans une organisation pyramidale bien plus redoutable que tous les extra-terrestres vénères de l'univers ?

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