vendredi 19 mars 2010

Saints

Une sélection de billets postés sur mon mur Facebook entre janvier et mars 2010 :


Eye-Popping Day (le jour de la Ste Olive)

(Initialement publié le 5 mars 2010)

A la Ste Olive, chérie du marin borgne, je souhaite célébrer l' « eye-popping », figure de style rare mais réjouissante du film d'horreur. En 1987, dans son grand cartoon live gore (Evil Dead 2), Sam Raimi confectionne une succession de 2 ou 3 plans qui deviendront anthologiques. Une morte-vivante s'y fait écraser la tête par une trappe, ce qui provoque l'éjection de son œil qui - si mes souvenirs sont bons – finit gobé par une des protagonistes. 21 ans plus tard, le japonais Ryûhei Kitamura en remet une couche, à coup de masse de boucher, dans son Midnight Meat Train (MMT). Fini l'héritage de papy Georges et du trucage mécanique, optique et prothétique, la nouvelle génération des goreux – comme tonton Sam avec son Spider-man horriblement synthétique – a adopté les effets numériques avec des résultats tout à fait aléatoires. Dans le cas du MMT, les scènes de tuerie dans le wagon de nuit font partie de mes dernières grandes séances de plaisir « adolescent ». L'impact de ces scènes est tel que le film arrive à tenir plus ou moins debout sur toute sa durée, malgré un scénario bien trop sage et des personnages taillés à la serpe. Pour un double-programme de fin de semaine, façon revival des Nuits de l'horreur des cinémas de notre jeunesse, je conseille de coupler le Kitamura avec la dernière production de Raimi : Drag Me to Hell. Le grand pote des frères Coen s'y livre, dans une voiture cette fois, à un « denture-popping ».

Hal Hartley (le jour de la St Vivien)

(Initialement publié le 10 mars 2010)

Je ne vais pas jouer les butors et vous dire que, franchement "ma chère", j'en ai rien à faire de Vivien Leigh, mais franchement... Je n'ai jamais éprouvé le désir de revoir Gone With the Wind et le Tramway de Kazan, pour moi, s'appelle "ennui". Sur Wikipedia, je peux lire qu'elle a été oscarisée pour ces deux rôles. Me voilà empli d'une joie éternelle ! Comme si les oscars pouvaient revêtir une quelconque importance aux yeux d'un amoureux du cinéma ! Une armée de feignasses qui ne doivent voir que 3 ou 4 films par an et filent systématiquement la majorité des prix à l'un de ceux-là. Un cauchemar sans nom. Imaginez que vous draguiez une meuf et, une fois chez elle, vous remarquez que sa discothèque est remplie des Victoires de la musique classique et sa bibliothèque des prix littéraires de ces 20 dernières années. Nul doute qu'au repas, cette créature de rêve vous sortira un vin médaillé d'or au Concours de la ville de Paris. C'est bon, calmez-vous, je déconne. Ce genre de choses n'arrivent jamais. A part peut-être aux lecteurs de Télérama, les Inrocks, Première... Et Vivien alors ? Ben, en fait, Wikipedia m'apprend aussi qu'elle ne s'appelait pas Leigh mais Hartley. Hé oui, comme Hal, le réalisateur de Trust, Unbelievable Truth, Amateur et... Simple Men ! Voilà qui me permet donc de finir en beauté avec une scène inoubliable de ce dernier, inspirée d'une scène de Bande à part de Godard.

Philip Seymour Hoffman (le jour de Ste Félicité)


(Initialement publié le 7 mars 2010)

Le jour de la Ste Félicité, je fouille dans ma mémoire et me souviens que j’ai vu
un film de Todd Solondz qui s’appelle « Happiness », mais que ce film et le reste de sa courte filmographie m’ont beaucoup moins marqué que les réalisations de l’autre Todd : Haynes. Je me rappelle vaguement que le film aborde le thème de la pédophilie, mais j’en ai à peu près tout oublié, si ce n’est que celui que je considère comme le meilleur acteur américain du moment y tient un rôle. Pour moi, Philip Seymour Hoffman naît au cinéma dans le Lebowski des Coen et impose d’emblée une vraie présence comique malgré sa brève apparition. Avec son physique atypique, il pourrait sembler taillé pour les rôles de bon gros décalé abonné aux comédies. Pourtant sa composition émouvante de l’aide à domicile de Jason Robards dans
Magnolia met les pendules à l’heure et il est clair dès lors que le
ciné US tient là un futur grand. Ce qu’il ne cessera de confirmer dès
son incarnation fulgurante de Lester Bangs dans Almost Famous et au fur et à mesure d’une filmographie essentiellement composée de seconds rôles impressionnants (Cold Mountain, Charlie Wilson’s War) ; toujours crédible et sacrément dense, même quand il interprète un méchant à la James Bond dans le Mission : Impossible 3 de Abrams. Depuis son rôle à Oscar dans l’ennuyeux Capote, il accède à des rôles principaux et, l’an dernier, il est choisi par Charlie Kaufman pour mener pendant 2 heures
ce qui est pour moi la belle surprise de 2009 : Synecdoche, New York.

Stephen Frears (le jour de Ste Colette)

(Initialement publié le 6 mars 2010)

J’ai découvert Frears en 1984 au Cinématographe de Perpignan, 25 ans avant qu’il adapte Colette avec son ex-Mme de Tourvel. The Hit me marqua beaucoup à l’époque. Un film noir solaire par sa situation géographique, avec une bande musicale envoutante de Paco de Lucia et un casting british de poids : Roth, Hurt et Stamp... Deux ans après son rôle dans Made in Britain, Roth bouffait à nouveau l’écran. Frears est un remarquable artisan et, ces dernières années, son adaptation du chef d’œuvre de Hornby et son The Queen ont prouvé qu’il ne perdait pas la main. Pour autant, je n’ai jamais discerné la cohérence de sa filmographie, la veine centrale au cœur de son œuvre. Après 1988, il entame une carrière américaine et là s’enchaînent des œuvres de commande de qualité (variable), sans que je n’y retrouve jamais l’énergie rebelle de ses Laundrette, Prick Up et Sammy & Rosie. Quant à Roth, il n’a jamais vraiment chômé depuis son premier rôle de Trevor le skin et a réussi à se faire inviter dans quelques films remarquables : Reservoir Dogs, Le Cuisinier de Greenaway, l’excellent Vincent & Théo d’Altman, ainsi que Little Odessa, le premier Gray. Beaucoup d’errances, de seconds rôles (parfois remarquables), pour finir dans une série télé en précurseur du Mentalist : Lie to Me. Petite série distrayante dans sa première saison, où le Timmy, en roue libre, se complait dans ses tics d’acteur habituels : démarche chaloupée, grimaces incessantes…

Usual Suspects (le jour de la St Casimir)


(Initialement publié le 4 mars 2010)

Usual Suspects débute sur le Casimir Pulaski, dont c'est - tout comme au cousin d'Isidore - la fête aujourd'hui. Ecrit avec une intelligence rare par Christopher McQuarrie, ce parangon du film à twist a, entre mille autres choses, la particularité de m'avoir fait découvrir l'exceptionnel Benicio del Toro. Au milieu d'un casting qui l'est tout autant, le jeune Porto-ricain (alors bien mince) illumine la scène inoubliable du « Hand me the keys, you fuckin cocksucker! » Les moments brillants abondent dans ce qui sera peut-être un jour un classique, mais il y a dans l'écriture de McQuarrie un point qui me touche particulièrement, c'est le génie onomastique. Cherchant sûrement à surprendre l'oreille d'un public anglo-saxon, il puise dans le réservoir d'Europe de l'Est pour forger par exemple le nom de celui qui deviendra l'un des méchants les plus célèbres de l'histoire du film noir : Keyser Söze. Certains personnages ont également des noms qui accrochent(avec une prédominance des sonorités en [K]) : Keaton, Kujan, Kobayashi. Deux autres ont des noms de peintre (ou presque) : Hockney, Kint. Enfin, le seul personnage féminin important porte quasiment le nom du célèbre personnage de Joyce. Cette omniprésence de la sonorité [K] peut être soit expliquée par le patronyme du scénariste soit par... autre chose. Bien sûr, cela n'est pas gratuit et les noms ont un rôle important dans l'histoire, mais leurs sonorités participent, je trouve, de la plus belle manière à l'habillage d'un film en de multiples points exceptionnel.

Julianne Moore (le jour de St Guénolé)

(Initialement publié le 3 mars 2010)

Julianne Moore a été choisie à deux reprises récemment pour jouer dans des films catastrophe que n'aurait pas reniés le saint du jour : Guénolé de Landévennec. On peut lire en effet sur Wikipedia que ce saint a rendu – dans des circonstances certes rocambolesques - la vue à sa petite soeur et qu'il était également considéré... comme le saint à prier en cas de problèmes de stérilité. Outre que « moore » vient du mot « lande » en anglais et que G de Landévennec kiffait mortel St Patrick, la belle Julianne a donc joué dans Children of Men (humanité devenue stérile) et Blindness (humanité devenue aveugle). Ce dernier film, réalisé par Meirelles(l'homme de Cidade de Deus), souffre de quelques longueurs et d'une mise en place un peu laborieuse, mais toute la partie située dans le camp de rétention sauve le film et lui donne une force et une dimension appréciables. L'autre grand atout du film réside dans le choix d'une photographie extrêmement désaturée, où l'image semble brûlée, rongée par les blancs, parfois jusqu'à la limite de la disparition. Aux dernières nouvelles Roland Emmerich aurait contacté Moore pour jouer dans son prochain film catastrophe, dont le sujet semble quelque peu tiré par les cheveux. Un virus attaquerait les démocraties occidentales et pousserait leurs citoyens à élire des avortons néo-cons arrogants parcourus de tics nerveux incessants.

Verhoeven (à la St Charles le Bon)

(Initialement publié le 2 mars 2010)

Charles le Bon, saint du jour, s'est tapé les croisades. Les croisades au cinéma, sans recourir à Google ou Imdb, c'est des vieux souvenirs télé de Gassman en Brancaleone, un des derniers étouffe-chrétien de Ridley Scott (plus inspiré quand il fait American Gangster) et bien sûr Flesh & Blood de Verhoeven. Je n'ai jamais compris que l'on brûle autant d'encens en l'honneur de ce cinéaste. A l'exception de Starship Troopers et du regardable Black Book, je n'ai souvent vu dans ses films qu'un étalage de mauvais goût - qui ne paraissait pas toujours volontaire - et une réalisation rarement à la hauteur de l'intention. Force est toutefois de reconnaître que l'intention et l'ambition étaient là et permirent enfin en 1997 à Verhoeven d'accoucher d'un monument du film de SF-teen-monstre-guerre-gore : Starship Troopers. Habillé de superbes effets spéciaux (à la différence d'un Total Recall en partie ruiné par des SFX faiblards), le film est un grand divertissement accompagné en sous-texte d'une charge politique peu subtile mais réjouissante contre l'impérialisme US. Interprété pour les premiers rôles par de jeunes acteurs peu connus, le film ne brille certes pas par sa direction d'acteurs, comme la plupart des films du cinéaste batave, mais peu importe tant les véritables "héros" du film sont les Arachnides, dont le spectateur attend chaque apparition avec impatience, comme le gamer attend celle d'un Boss dans un shoot'em up.

Romeo is Bleeding (à la St Roméo)

(Publié le 25 février)

Au moment où sort le Scorsese, je pouvais jouer les opportunistes et filer direction Vérone pour saluer la belle adaptation qu'avait faite Baz Luhrmann du drame shakespearien. Mais autant le dire tout net, je trouve que la collaboration Scorsese-Caprio n'a pour l'instant rien donné de vraiment remarquable et Moulin Rouge est un tel ratage que je n'ai pas trouvé l'énergie pour jouer les bons samaritains 2 fois dans la même semaine. En revanche, il y a un cinéaste dont je n'ai vu qu'un seul film et que je ne suis pas près d'oublier, c'est Peter Medak. En 93, il met en scène Oldman, Olin et Scheider dans une comédie noire hard-boiled, mixant à tombeau ouvert et avec force violence le film de mafia, le film de flic corrompu (si, si, c'est un genre !) et le drame sentimental. Lena Olin y est le magnifique trou noir d'un casting déjà assez classieux. Ellle incarne une hitwoman indestructible (ou presque) et sexuellement irrésistible ; personnage préfigurant celui qu'elle tiendra dans la série Alias. Superbement photographié par celui qui créera la photo du Dark City de Proyas, je trouvais à l'époque que le film souffrait d'une légère claudication, provoquée par des scènes proleptiques filmées dans un style plus "neutre" que le reste du film. Un syndrôme Blade Runner version 1.0 en quelque sorte, ce qui n'est pas la pire des comparaisons pour un film noir qui a lui aussi opté pour une voix (indispensable ?) de narrateur en off. Dernier petit détail (pour vous peut-être, mais pour moi ça veut dire beaucoup) : le titre du film est tiré d'une chanson d'un des plus beaux albums de Tom Waits.



Werner Herzog (à la Ste Bernadette)


(Initialement publié le 18 février 2010)

"Tu l'as vu, hein, tu l'as vu ?" La petite Soubirous, elle en tout cas, elle l'a vue, et pas qu'une fois, d'après ce qu'en dit l'Histoire. Pas de buisson ardent (sinon Dorcel aurait déjà pondu une adaptation), juste une grotte, ce qui est symbolique pour celle dont le prénom vient du mot "ours". Les ursidés au cinéma, c'est surtout le Annaud et un Herzog récent (Grizzly Man). Ce dernier je ne l'ai pas vu et s'il est aussi mauvais que son Bad Lieutenant : Port of Call, c'est mieux ainsi. Il faut dire que, à part le docu sur ses relations avec Kinski, je ne me suis jamais senti trop d'affinités avec le cinéma de Werner. Mais je suis prêt à parier que la racine de son patronyme a joué un rôle important dans sa volonté de réaliser, en 1976, un film qui s'intitule "Herz aus Glas". "Heart of Glass", c'est également un titre enregistré en 75 puis 78 par le groupe Blondie, dont la chanteuse, comme tout le monde le sait, n'est autre que la délicieuse Niki Brand de Cronenberg : Deborah Harry. Ce que l'on sait moins en revanche, c'est que Déborah vient du mot "abeille" en hébreu. C'est là que je me dis que, pour aujourd'hui, la boucle est bouclée.

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