dimanche 21 mars 2010

"Riez !", "Pleurez !", "Tremblez !", "Applaudissez !"

Après des mois de travail herculéen, durant lesquels des professionnels talentueux ont accompli le miracle d'œuvrer de concert à la réalisation d'un même projet, l'architecte et chef des travaux décide de faire appel à un dernier artisan : le compositeur de musique de film. Là où chacun avait donné le meilleur de son métier pour, au hasard, exprimer une émotion subtile par un geste délicat, par une touche de maquillage, par la mise en ombre ou en lumière d'une partie de l'image ou par un mouvement de caméra à peine perceptible, le compositeur va, dans le meilleur des cas, ajouter une voix supplémentaire à la polyphonie jusque-là élaborée.

Cela ne se passe malheureusement presque jamais comme cela. En fait, depuis Max Steiner, qui est le père spirituel de 99% des compositeurs de musique de films hollywoodiens depuis plus de 80 ans, le métier de compositeur est l'équivalent cinématographique de celui de ravaleur de façade et de chauffeur de public d'émission télé.

Depuis l'arrivée du parlant, la plupart des créateurs de films ont toujours été persuadés que leur public était composé de mutilés de l'âme, incapables de ressentir une émotion ou de comprendre une intention de mise en scène sans que celles-ci soient annoncées ou appuyées par un fracas de cymbales, un martellement de percussions ou une armée de violons. Le genre de public à qui il serait nécessaire de rajouter des phylactères ou des flèches directionnelles sur La Ronde de nuit ou La Bataille de San Romano. La plupart du temps, les musiques de films sont donc du niveau de l'habillage sonore des cartoons.

Fiction : Un réalisateur hollywoodien a décidé d'adapter un classique de la science-fiction et a demandé, entre autres, à son chef-décorateur, son responsable des effets-spéciaux et son sound-designer de travailler à la séquence de destruction apocalyptique la plus réaliste et impressionnante jamais réalisée. Après des mois de labeur inspiré et intensif, l'aréopage de surhommes accouche d'un "bas-relief" splendide et saisissant. Il ne fait aucun doute que la séquence est terrifiante et constituera une date dans le genre. Mais tout comme le réalisateur n'a aucune confiance en son public, il en a très peu dans les images et les sons et n'a jamais remis en cause le fait qu'ils soient systématiquement accompagnés, submergés, noyés par la déferlante sonore d'une Grosse Bertha symphonique. Le magnifique bas-relief voit ses interstices envahis par la boue, la lave ou la guimauve vomies par les violons et les cors et, bientôt, plus rien ne respire, plus rien ne vit, tout se pétrifie, comme le cerveau et le cœur du spectateur sidéré par ce flux mélodique incessant et abrutissant. Les enfants de Steiner ont pompéifié le travail de leurs collègues.

Avec les nouveaux supports numériques (DVD et a fortiori Blu-Ray), on se prend parfois à rêver de voir appliqué aux films ce qui existe depuis longtemps pour les jeux vidéo : la possibilité de mixage a minima de 2 ou 3 composantes de la bande sonore. Avec le curseur "Musique" enfin sur zéro, on pourrait, au moins chez soi, faire disparaître une bonne fois pour toutes : John Williams, Alan Silvestri, James Horner et tous les autres (Thomas) Wanker.

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