lundi 29 mars 2010

Tintin et l'île maudite

J'ai assisté hier pendant plus de 2h à une adaptation trop longue d'une aventure de Tintin jamais éditée en BD. C'est une vision sombre d'un Tintin schizophrène, changé en flic pour coller aux standards hollywoodiens et privé de son sidekick canin, car l'action se déroule dans une « prison psychiatrique » et - même si le souci d'authenticité et de réalisme n'est pas au cœur du projet -je suppose que les génies qui ont pondu ce chef d'œuvre ont jugé peu concevable de faire accepter au grand public (aussi bienveillant soit-il et force est de reconnaître qu'il l'est ces derniers temps) l'internement d'un fox-terrier.

Pour éviter de trop radoter, ce qui reviendrait à adapter la forme et le fond de mon commentaire à celui du film commenté, je vais faire l'impasse sur l'utilisation de la musique et celle abusive de la grue et des contre-plongées pour palier l'absence de réflexion et de projet sur la composition du cadre. Je souhaite toutefois mettre à nouveau en avant ce qui était déjà évident dans les précédents films photographiés par Robert Richardson et qui ici semble sonner le glas d'une photographie au cinéma comme nous l'avons connue. Même en projection traditionnelle, trop de films actuels sont numériques dans leur facture : sans véritable grain, lisse et propre à une commercialisation Direct-to-DVD. Dans le cas de Richardson, cela se double d'une conception de l'image en vignette, chaque plan valant pour lui-même, sans aucune ouverture sur l'avant, l'après ou le hors-champ : une esthétique pub ou clip, qui empêche le spectateur d'entrer dans le monde représenté et d'adhérer à ses personnages.

Inutile de préciser donc qu'au bout d'une heure, il vous tarde juste qu'un arbre vienne s'abattre sur le héros pour mettre fin au calvaire du personnage joué par un DiCaprio qui, comme dans Aviator, donne l'impression de rester un éternel adolescent maquillé pour jouer un rôle d'adulte. Sourcils froncés et visage fermé, il ne se départ jamais de ce masque de souffrance et de son sparadrap à la Hercule le chat, qui trahit rapidement une partie du mauvais twist à venir.

On sent également la volonté de Scorsese de se référer, entre autres, au Zaroff de Schoedsack, mais ce qui est désolant, c'est qu'il le fait via l'esthétique Weta du King Kong de Jackson. Les plans de la séquence sur la falaise sont à pleurer ou mourir de rire. Son imitation du côté faux et kitsch des extérieurs en studio par le biais d'une utilisation aussi désastreuse du green screen est peut-être due à une volonté de jouer la carte de la cohérence esthétique pour s'adapter à l'artificialité et à la laideur numérique de la photo. On se prend à imaginer, entre deux bâillements, ce qu'aurait donné Raging Bull photographié par Richardson !

Enfin, il ne fait aucun doute qu'une encyclopédie comme Scorsese a déjà eu vent de la fameuse formule sur la morale du travelling. On constate malheureusement avec ce film qu'il ne l'a pas intégrée à son code de déontologie et la manière gratuite dont il convoque la Shoah, dans une histoire qui ne le méritait pas, accable encore plus le spectateur qui se demande comment il est possible qu'un tel cinéaste arrive à accoucher sans honte d'un Cape Fear 2 pour enfants. A-t-il pensé que ce film serait peut-être son dernier et qu'il laisserait à la postérité des scènes de libération de Dachau dont l'esthétique donne l'impression qu'elles ont été filmées par le Christophe Gans du Pacte des Loups et de Silent Hill ?

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